Il y a...un certain nombre d'années dans ma 1ère vie professionnelle (dirons-nous), alors que je chinais, j'ai trouvé un carnet ,que j'ai gardé depuis, tant l'écriture m'a bouleversé.
Pas de nom, hélas, mais le témoignage d'un "gradé" dans les tranchées avec ses hommes.
Sur la 1ère page de ce petit cahier :
Journal des tranchées
" 13 octobre
Je suis encore de garde au cantonnement de repos, voilà 2 fois de suite que je prends la garde. Le régiment de permissions est si mal appliqué que presque tous les sergent sont absents à la fois et que le 1/8 de la compagnie manque.
Nous montons au front ce soir et je vais être chef de section d'une section réduite à une quinzaine d'hommes.
Rien de plus absurde et de plus injuste que d'envoyer des soldats en permission de cette manière ! Tous les permissionnaires devraient être chez eux pendant que leurs camarades sont au repos et devraient revenir pour aller aux tranchées.
Tout est désorganisé et la Cie est divisée en spécialités et comporte un matériel considérable, le matériel des absents doit être emporté par les présents .
Quand on songe au poids qu'il représente, on comprend la difficulté.
Il va falloir que je charge des hommes d'une façon insensée, que je leur fasse porter à tour de rôle les sacs des fisiliers-mitrailleurs (plus de 300 cartouches dans un sac) que je m'engence pour que personne ne reste en arrière.
Autre conséquence de la spécialisation, tous les hommes un peu intelligents (sic) et dégourdis (re sic) quittent les rangs et sont employés à part..comme téléphonistes, observateurs, ordonnances,mitrailleurs. Bref, une compagnie de 200 hommes se réduit à 120 ou 130 dont 1/3 en permission.
C'est avec ceux qui restent écrasés de fatigue que nous tiendrons tout un secteur du front.
Ce sont ceux-là qui vont veiller en première ligne, poser les réseaux de fils de fer, faire les patrouilles.
N'étant pas toujours près des chefs, il n'auront même pas les récompenses.
Pauvres petits !
.....le manque d'organisation d'absence d'esprit de suite des Français me navre absolument. Personne ne sait jamais ce qu'il doit faire. Ordres et contre ordres se succèdent avec une rapidité déconcertante et tout le monde se décourage. On défait le soir ce qu'on à fait le matin, on refait le matin ce qu'on a défait le soir.
Les gradés et les hommes s'embrouillent dans un tourbillon de mesures contradictoires et trop souvent dégoûtés, ils laissent tomber.
Je crois bien que pour les récompenses et les punitions c'est la même démarche.
L'homme peureux qui m'a donné tant d'ennuis lors de la pose du réseau de fil de fer a la croix de guerre, par contre, Nicolas ne l'a pas, il est pourtant au régiment depuis aout 1914.
Tout est l'avenant !
Le "journal" se termine le
" 2 novembre
Jour des morts.
Ma pensée va vers les chers disparus. Hélas les nouvelles sont toujours mauvaises. Après la Russie, l'Italie après l'Italie qui ?..
Nos sacrifices sanglants auront-ils donc été inutiles ? Ces boches sont donc invincibles.
Cet inconnu a t-il été tué ?!
Nous ne le saurons jamais