Je ne peux pas avoir crée ce blog et vous proposer ses recettes sans vous parler de la vie de frère Victor-Antoine.
J'avais découvert son livre sur les soupes en vente dans une boutique de monastère. Emballée, j'avais contacté son éditeur pour obtenir ses coordonnées afin de lui parler d'un projet innovant.
Intrigué par mon idée, Frère Victor-Antoine qui devait justement venir sur Paris quelques mois après, m'a gentiment proposé une rencontre. .
(J'avais emmené mon mari qui parle assez bien anglais...étant fort démunie de ce côté. Mais frère Victor-Antoine parle parfaitement le français...puisqu'il est français ! Ouf !)
L'aventure a commencé, pour lui ,il y a plus de trente ans. Victor-Antoine est alors un jeune moine vivant dans une communauté bénédictine, à Cold Spring près de la rivière Hudson, dans l'état de New York.
Devenu vétuste, l'endroit est promis à la fermeture. La communauté va être dispersée. Avec quelques frères, il forme le projet fou de bâtir un monastère un peu plus en amont. Mais l'argent est difficile à trouver ; les banques peu enclines à prêter à ces saints hommes qui font voeu de pauvreté.
C'est la rencontre avec Elise, une dame quaker venue en retraite au couvent, qui va décider de tout.
Comme tous les hôtes, Elise partage la table des moines. Elise est végétarienne et, règle de Saint Benoît oblige, elle s'y trouve particulièrement en harmonie. Elle est surtout impressionnée par l'inventivité culinaire que déploie déjà le frère Victor-Antoine.
Pourquoi ne pas rédiger ces recettes ? Pourquoi ne pas les publier ?
L'éditeur Harper et Collins s'enthousiasme. Les avances et les premiers droits aideront à l'achat d'un terrain sur la commune de Lagrangeville, dans une vallée à l'est de Ploughkeepsie, à quelques kilomètres du petit village de Millbrook.
On défriche, on monte les murs des communs et de la chapelle. On construit une petite hotellerie...
Le panier débordant de légumes, notre moine se dirige vers son ermitage suivi d'une véritable arche de Noé. Moutons, volailles et un basset aux longues oreilles lui emboîtent le pas. Une brebis téméraire vient fourrer son nez dans la récolte.
OUR LADY OF THE RESURRECTION est un couvent de poche, mais nombreux sont ceux, religieux et hôtes, qui viennent y faire retraite, arrivant des quatre coins du monde. Du coup les tablées sont quelquefois impressionnantes "Je ne prépare que des produits de saison, raconte-t-il pendant qu'à l'office il émince les oignons avec une dextérité que lui envieraient bien des chefs. Par nécessité d'abord parce que tout vient du jardin. Par respect et par harmonie aussi.
Accepter l'hiver, attendre le printemps et l'été, aide à comprendre le sens de la vie. N'espérez jamais trouver ici des fraises à la crème au mois de mars !"
( Comment voulez-vous que je n'adhère pas à ces propos si simples et plein de bon sens ?!)
"J'ai voulu que la moindre recette soit évidente à réaliser. Savoureuse mais sans fioritures. "
" La cuisine ne m'a jamais ennuyé un instant", dit-il.
Peut-être est-ce dû à ses origines béarnaises et au souvenir ému des plats familiaux que préparait sa mère. Toujours est-il qu'il devient intarissable lorsqu'il s'agit de piperades ou de piment d' Espelette .
S'il est aujourd'hui citoyen américain, le frère Victor-Antoine est resté français de coeur.
Extrait de la préface de " A la table des moines" par Xavier Houssin chez Buchet Chastel